Accompagnement
"Être accompagné exige d’apprendre à s’affirmer, savoir se déterminer et à l’être, si l’on refuse d’être un objet de soins ; parce qu’il faut malheureusement inlassablement se battre afin que ses droits les plus élémentaires soient respectés. Excepté en théorie, cela ne va pas de soi d’être un sujet d’attention et de soins, ce n’est majoritairement pas une posture naturelle. [...]
Une juste relation d’accompagnement doit être horizontale et non verticale, comme c’est le cas aujourd’hui. Mais est-on réellement prêt à envisager un rapport d’égalité entre accompagnant et accompagné ?"
Marcel Nuss cairn.info/handicap-perte-d-autonomie--9782100749959-page-149.htm
"[...] Accompagner, c’est partager (le compagnon est celui avec lequel nous partageons le pain). C’est, selon le Petit Robert, « se joindre à quelqu’un pour aller où il va, en même temps que lui ».
L’accompagnement vise à donner à la personne (ou à lui rendre) la maîtrise de sa propre vie. De manière sous-jacente, ce qui est recherché au travers du processus d’accompagnement, c’est la place de chacun dans la société à conquérir ou à reconquérir. L’accompagnement se fonde sur une relation orientée vers le « faire ensemble », c’est-à-dire une posture d’échange et de partage de l’accompagnant et de l’accompagné, mais aussi une démarche volontaire des personnes accompagnées (capacité d’engagements réciproques). L’accompagnement mise donc sur les capacités des personnes à développer leurs ressources propres, leurs capacités d’initiatives et de choix. Il nécessite que soit reconnu un facteur important : le temps. Le temps n’est pas prévisible au départ : le temps de comprendre, de choisir, d’associer, de construire. Le temps pour que l’accompagnement puisse conduire chacun à un contrat avec lui-même. C’est parce que le contrat de séjour est trop inscrit dans la durée que nous préférons la notion de contrat d’accompagnement qui s’étire différemment selon les personnes et les circonstances. Mais un tel contrat suppose un certain nombre d’évaluations au cours du processus. [...]"
cairn.info L'usager au centre du travail social Représentation et participation des usagers Jacques Ladsous Dans Empan 2006/4 (no 64), pages 36 à 45
"La notion d’accompagnement a connu ces dernières années un véritable engouement, au point d’envahir tous les domaines de la vie sociale. Elle se présente comme vertueuse, consensuelle, propre à susciter l’adhésion, mais n’en reste pas moins ambiguë, prenant des formes et des significations différentes au cours du temps et selon les professionnels qui y ont recours.
Si la thématique de l’accompagnement rencontre aujourd’hui un vif succès, le terme n’est pourtant pas récent et ses origines sont probablement lointaines. Des expériences d’accompagnement proches de celles qui ont cours aujourd’hui sont repérables dans les années 1970-1980 dans le champ de l’action sociale.
Ainsi, des types d’intervention assez proches de l’accompagnement, tel le suivi social, sont en usage depuis longtemps chez les travailleurs sociaux, les assistant(e)s de service social principalement. Le suivi social consiste en une prise en charge d’individus rencontrant des difficultés d’intégration dans la société (qui étaient désignés comme les « laissés pour compte de la société »). Il s’est exercé jusqu’à la fin des années 1970 avant d’être remis en cause en raison d’une forte suspicion l’assimilant à un véritable contrôle social des populations pauvres.
Un autre terme va progressivement supplanter celui de suivi social : celui d’accompagnement social, qui apparaît au début des années 1980. Il se veut porteur d’une pratique nouvelle d’intervention sociale, dégagée de toute connotation négative. Alors que le suivi social semblait lié à des pratiques traditionnelles de travail social, fondées sur une perception unilatérale de l’action (Guele et al., 2003, p. 8), l’accompagnement social semble quant à lui reposer sur un autre type de relation, impliquant de manière différente les parties en présence. Il va être promu comme une nouvelle forme de prise en charge qui vise à placer la personne au centre d’un processus interactif, dans le cadre d’une forme d’échange volontaire « reposant sur une éthique d’engagement réciproque entre les personnes » (Id., p. 8).
À la fin des années 1970, l’accompagnement social va s’étendre aux personnes handicapées. Les centres d’aide par le travail (Cat, devenus Esat ) vont se doter de services d’accompagnement destinés à favoriser l’intégration des personnes handicapées dans le milieu ordinaire.
Des expériences d’accompagnement social se développent également dans le secteur du logement social, puis se généralisent avec l’instauration du Revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988.
À la fin des années 1980, l’accompagnement social est posé comme l’une des quatre grandes fonctions du travail social au côté du diagnostic social, de la mise à disposition d’une offre et de la promotion collective (Uniopss, 1995)...
Les démarches d’accompagnement se sont généralisées au début des années 2000 avec la mise en place du plan d’aide au retour à l’emploi de l’Unedic (Pare) et du Projet d’action personnalisé (Pap) de l’ANPE qui formalisait les formes d’accompagnement. D’autres champs sont également irrigués et de nombreuses formes d’intervention sont désormais qualifiées d’accompagnement, sans que l’on puisse avoir une idée précise de ce à quoi elles renvoient. L’accompagnement s’applique de manière générique à des contextes divers. Cette généralisation ne fait qu’accentuer le caractère opaque de la notion et mouvant de ses frontières. Nombre de domaines de l’intervention publique (santé, social, éducation, emploi, formation...), ainsi que des activités du secteur privé, mobilisent désormais cette forme d’intervention...
D’une façon générale, les pratiques d’accompagnement consistent à guider, appuyer, soutenir ou encore aider. On y trouve également l’idée de suivi, d’assistance, d’information, de conseil, de « guidance », qui suggère tout à la fois « une mise en relation dans une “temporalité-durée constituant une forme de processus”, un cheminement commun variant en fonction des dispositifs et modes d’accompagnement existants ; l’existence de relations personnalisées, interactives, s’effectuant dans un rapport à l’autre toujours complexe ; une démarche constituée d’un ensemble de comportements et de conduites étayés par des savoirs théoriques et pratiques, constituant un type de professionnalité » (Ardoino, 2000, p. 11-15).
On peut également imaginer, sinon le rôle joué par les professionnels, du moins leurs grandes lignes d’action : les « accompagnants » ou « guidants » seraient des facilitateurs de projets, mettant à la disposition des « accompagnés » des ressources (outils, techniques, moyens) ainsi que leurs compétences pour assurer le succès de l’action entreprise...
L’accompagnement serait donc censé annihiler tout effet de dépendance en s’opposant à une prise en charge contrainte des individus, synonyme d’assistanat. Nous aurions affaire à des agents non pas passifs, mais actifs de leur insertion, aidés en cela par des accompagnateurs disposant de techniques et d’outils aptes à développer les ressources des personnes accompagnées et solliciter leurs compétences.
L’accompagnement a pris forme dans la culture du projet. L’injonction au projet semble d’ailleurs avoir accentué les formes de dépendance et fragilisé les personnes, de manière telle qu’elles ne pourraient plus vivre de manière autonome dans leur projet et ressentiraient le besoin d’être accompagnées (Boutinet, 2002).
L’accompagnement pourrait alors être un nouveau mode de gouvernement des personnes (qui ne concernerait pas seulement les plus vulnérables mais l’ensemble de la population), assimilable à un travail sur soi, où les individus doivent compter sur leurs propres ressources et sont aidés à s’aider eux-mêmes (Vrancken et Macquet, 2006). De nombreux dispositifs de l’action publique sont aujourd’hui conçus dans ce sens, qui cherchent à impliquer autrement les « usagers » en mettant l’accent sur la responsabilité et la responsabilisation individuelles...
Ali Boulayoune L'accompagnement : une mise en perspective